Sigmaringen de Pierre Assouline

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Parution : Gallimard collection Blanche 2014

 

Le genre, le style : un roman français très classique, comme j’aime, l’auteur s’est fondu dans l’époque jusque dans l ‘écriture. Alternance entre les réflexions du majordome pendant un voyage en train vers l’Alsace effectué après la guerre pour un événement que je ne dévoilerai pas… et le récit des souvenirs de ce même majordome au temps de l’occupation du château de Sigmaringen.

 

Les lieux : Sigmaringen (Land du Bade-Wurtemberg – Allemagne), Alsace.

 

L’auteur : Pierre est né en 1953 à Casablanca (Maroc). Après des études à l’université de Nanterre et aux Langues O, il a été tour à tour : journaliste, conseiller littéraire, chargé de cours à Sciences Po, rédacteur, directeur de rédaction (magazine Lire) romancier, biographe, etc. Il est depuis 2012 membre de l’académie Goncourt et il a l’air d’en être très fier car il l’inscrit à la suite de son nom sur la couverture de son livre. Il a créé un blog très influent : « La République des Livres ». Il a écrit plusieurs livres, romancés ou non, sur la période de la seconde guerre mondiale dont « L’épuration des intellectuels » 1996, « La cliente » 1998 et « Lutetia » 2005.

 

L’histoire : Julius Stein est le majordome allemand du château des Hohenzollern à Sigmaringen (Allemagne). (Pour mémoire la branche des Hohenzollern de Souabe, restée catholique, se divise en plusieurs rameaux dont les plus importants sont ceux des Hechingen et des Sigmaringen). Comme tout majordome il fait régner dans le château un ordre parfait, chaque chose à sa place et chaque employé à son poste. Le 7 septembre 1944, à la suite du débarquement allié en Normandie, le château est réquisitionné pour accueillir le gouvernement de Vichy au grand complet.  Cette petite ville bien tranquille du sud de l’Allemagne et le bel ordonnancement du château princier vont être chahutés par l’arrivée de 2OOO Français collaborateurs qui fuient la France libérée. Ils prennent possession de la ville, dans la masse plusieurs personnalités du spectacle, du journalisme et de la littérature dont le docteur Destouches alias Céline. Au château il faut que Julius non seulement continue à assurer un service digne de la majesté des lieux mais aussi qu’il gère les inimitiés des uns et des autres,  jusque dans la circulation entre les étages où les crêpages de chignon sont fréquents. On voit Pétain, Déat, Brinon, Doriot, Laval et leurs dames se détester, s’éviter et comploter. Le majordome doit composer avec la domesticité française de ses hôtes indésirables et principalement avec Jeanne Wolfermann, intendante du maréchal. Les troupes alliées se rapprochent, Strasbourg est libérée en novembre, Stuttgart subit 53 raids de bombardements de la Royal Air Force et tombe sous domination française, malgré cela un déni s’installe chacun fait comme si un renversement de situation était possible. Le récit s’achève en avril 1945 avec le départ de Pétain et l’arrivée des troupes françaises dans la ville.

 

Mon avis : L’atmosphère étouffante et la vacuité qui se dégagent des vichystes dès leur arrivée dans le château déconcerte  de prime abord, je dois dire que je me suis surprise à me dire que ce livre ne « m’accrocherait » pas. Jusqu’à ce que je me rende compte que le talent de Pierre Assouline a été justement de décrire à la perfection les relations putrides qu’entretenaient les différents protagonistes, que ce soit sur le plan de la pensée comme des relations humaines, on est atterré par la médiocrité de ce qui était encore pour quelques mois le gouvernement français. Assouline s’est extrêmement bien documenté, la bibliographie en fin d’ouvrage est éloquente !  Et cela se sent, les personnages sont tellement réels qu’ils existent là sous nos yeux. Pendant que la chienlit s’installe au château des Hohenzollern, le personnage du majordome se découvre bien surprenant au fil des pages. Quand il rompt la glace avec Jeanne on apprend que ce majordome stylé et bien lisse est bien plus que cela… vous le découvrirez ! On ne peut s’empêcher de se rappeler celui, magnifique, du château de Darlington Hall, Stevens, dans le roman de Kasuo Ishiguro « Les vestiges du jour », Pierre s’en est inspiré j’ai trouvé le titre dans la bibliographie…

 

Pour résumer : un épisode peu connu de la seconde guerre mondiale, bien mis en scène et qui intéressera autant les amateurs d’Histoire que ceux qui ont aimés l’ambiance  des « Vestiges du jour » (précédemment cité) et adapté au cinéma par James Ivory en 1993.

 

 

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. DF dit :

    Je viens de le terminer… ça restera un très bon souvenir pour moi: il y a là-dedans une virtuosité certaine. Je pense que je vais revenir à Pierre Assouline – j’avoue avoir lu il y a longtemps un autre livre de lui, aussi sur la Seconde guerre mondiale, mais il ne me laisse pas de souvenir bien vivace.

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